Présentation

Médiations sur l'enseignement des lettres classiques, des langues anciennes, des langues et cultures de l'Antiquité ou des sciences de l'Antiquité. Appelez cela comme vous voulez.

Blog de Vincent Bruni, professeur de lettres classiques en collège, membre du GRIP, du collectif Arrête ton char et de l'ADLAP (Association pour la Diffusion des Langues Anciennes en Picardie), convaincu de l'intérêt pour tous les élèves de travailler l'Antiquité grecque et romaine dans toutes ses dimensions.

Rappels de circonstance:
1) Les propos tenus ici n'engagent que leur auteur et non les diverses associations auxquelles il adhère;

2) L'auteur n'est qu'un simple enseignant qui fait des propositions...

mercredi 11 mars 2015

Exercice de style: Latin et Socle commun. Pour une refonte des programmes et une prise en compte du nouveau cadre.

Ce texte est un exercice de style. Il est le fruit de plusieurs moments de réflexion et devait être proposé, via les réseaux sociaux, au président du CSP, pour proposer un éclairage sur ce que pouvait apporter une inclusion forte des langues anciennes dans les programmes à venir. Toutes les propositions que j'y fais ne me conviennent pas forcément, mais je fais en sorte, en gardant une spécificité disciplinaire, d'aller vers le travail entrepris par Michel Lussault et le CSP. Les annonces d'aujourd'hui, dont, je pense, nous avons pour le moment peu de chances de comprendre et anticiper l'impact (en bonne ou en mauvaise part), me font publier ce texte maintenant.
Bonne lecture.

Le constat et les contraintes:

La crise de l'enseignement des langues anciennes dans le secondaire est due à de multiples facteurs, déjà largement analysés par ailleurs (sur le site de Philippe Cibois, dans le récent rapport de l'IG...), sur lesquels je ne m'étendrai pas. Précisons simplement quelques points:
* Cette crise doit être relativisée, puisque, après avoir connu une certaine baisse, les effectifs de latinistes au collège sont stables depuis 2012, tandis que ceux des hellénistes remontent légèrement. Du fait de la massification de l'enseignement, né de la réforme Haby et du collège unique, on n'a jamais autant étudié le latin en France que maintenant!
* Le gros problème rencontré par les langues anciennes dans le secondaire est celui de la transition collège / lycée;
* La crise ne concerne pas les effectifs d'élèves, mais ceux des enseignants, qui ne sont plus assez nombreux actuellement pour faire face à la demande des familles, toujours aussi forte;
* Jamais l'Antiquité (et les récents Etats Généraux de l'Antiquité n'ont pas manqué de le rappeler) n'a été aussi présente dans l'environnement des élèves, que ce soit par la publicité, la littérature jeunesse ou l'industrie du divertissement (jeux vidéos, cinéma...). De plus, sa connaissance se diffuse et se démocratise dans le grand public, notamment par le biais de l'histoire et l'archéologie, disciplines qui ont les faveurs des médias. Le ramdam (ou buzz, pour les anglophiles) autour des découvertes d'Amphipolis, ou plus récemment encore de Lavau, est venu le rappeler.

Or, l'institution a récemment décidé de rejeter les langues anciennes et les sciences de l'antiquité en les excluant du socle commun de connaissances et compétences. C'est-à-dire que cette discipline risque de disparaître dans l'enseignement secondaire, et précisément là où elle touche le plus d'élèves, à savoir au collège. On considère que cette étude approfondie de l'Antiquité, et notamment des langues dont nous avons le plus de textes, n'a pas à faire partie du tronc commun proposé à tous les élèves lors de leur scolarité obligatoire. Ce choix tient peut-être au statut d'option, déjà ancien, de l'enseignement des langues anciennes, à de vieilles rancoeurs idéologiques (le latin, ancienne discipline reine du lycée pré-Haby) et à des choix budgétaires, au mépris de l'intérêt bien réel des familles et des élèves, ainsi que de tout ce que peuvent apporter ces disciplines à la formation intellectuelle de ces derniers. Je ne me lancerai pas dans une défense et illustration des langues anciennes: on trouve ce genre de tribunes un peu partout, même sous la plume de certains chroniqueurs médiatiques (Christophe Ono-Dit-Biot, par exemple, qui a écrit aussi quelques bons textes sur la notion d'érudition).

Nous sommes donc dans une situation extrêmement paradoxale: à l'heure où jamais autant d'élèves n'ont fait de latin, où jamais l'injonction de maîtrise de la langue française ne s'est faite si pressante, où jamais l'intérêt du grand public pour l'Antiquité n'a été aussi fort, et où l'industrie culturelle dans son ensemble est le troisième employeur en Europe (source: http://www.lesechos.fr/01/12/2014/LesEchos/21825-096-ECH_l-industrie-culturelle—troisieme-employeur-europeen.htm), on choisit d'exclure l'Antiquité du tronc commun.

Mais l'enseignement des langues anciennes n'est pas exempt de reproches et doit faire l'inventaire des décisions et des pratiques qui ont conduit à cette situation. Il doit aussi changer d'optique dans la construction de ses programmes pour les rendre clairs, progressifs, pour permettre une meilleure transition entre le collège et le lycée. De plus, le principe du socle commun de connaissances, compétences et culture en cinq domaines ayant été décidé pour le collège, il s'agit maintenant de voir comment il peut s'intégrer au mieux à celui-ci.
En observant les intitulés des domaines, il est assez évident de voir ce que les langues anciennes peuvent apporter aux domaines n°1 (les langages pour penser et communiquer), n°4 (l'observation et la compréhension du monde) et n°5 (les représentations du monde et l'activité humaine).
A titre personnel, j'ai quelques réticences face à l'expression "la formation de l'homme et du citoyen", mais un travail sur l'Antiquité peut naturellement donner des perspectives et de l'épaisseur (pour reprendre une expression de Florence Dupont) à cette notion de citoyenneté.
Quant au domaine "apprendre à apprendre", de type méta-cognitif et reposant sur la notion très contestée de "compétence transversale" (voir Baillargeon ou tout récemment Olivier Rey[1]), les langues anciennes peuvent apporter leur pierre à l'édifice de par les connaissances linguistiques et culturelles qu'elles ont vocation à transmettre aux élèves.
De manière générale - et je tombe un peu dans la défense et illustration des langues anciennes dont je parlais plus haut – les langues anciennes ont un intérêt pour les élèves de par les outils conceptuels (grammaticaux et historiques) et l'angle de vue particulier sur les savoirs qu'elles apportent.
Je me permets, pour enfoncer le clou, de me placer sous l'illustre patronage des Thèses de Besançon (2) :" L’étude des langues anciennes doit trouver place dans un projet culturel global inspiré par un humanisme scientifique, afin de préparer les hommes de notre temps à résoudre d’une façon réaliste et généreuse les questions qui se posent à eux, et à vivre dans le respect de toutes les professions, de toutes les opinions et de toutes les cultures."
Pour conclure, rappelons le truisme suivant: tout travail sérieux sur l'Antiquité ne peut se faire sans une fréquentation personnelle des sources, et donc en priorité des textes. Là encore, je me place dans la perspective des conclusions des Thèses de Besançon: "Un renouvellement des études classiques ne peut servir de prétexte au démantèlement des études ou au laxisme linguistique." Pour le dire plus clairement: on ne peut se passer d'un apprentissage des langues latines et grecques si l'on veut travailler sur l'Antiquité, sur ses écarts, ses permanences, ses réécritures et sa présence dans le monde d'aujourd'hui. Le Socle ne peut-il pas être vu comme l'occasion d'ouvrir à tous les élèves une perspective de travail sur ces sujets?
C'est donc sur les textes, sur les programmes et leur progressivité qu'il convient d'agir pour créer un parcours cohérent et progressif, au collège, au lycée et de l'un à l'autre.

Propositions pour le collège

Les programmes actuels du collège, s'ils sont satisfaisants sur le plan intellectuel pour un spécialiste des langues anciennes (Une période historique par année, programme linguistique complet en morphologie ET en syntaxe, auteurs du "canon"), ne paraissent adaptés ni aux horaires – quand ils sont respectés... - ni aux connaissances grammaticales préalables des élèves.
Cela tient, à mon sens, à plusieurs facteurs:
a) le parti-pris théorique pour le texte authentique, parti-pris critiqué à mots couverts dans le récent rapport de l'IGEN,
b) la dévalorisation de l'exercice et de l'entraînement, vus comme une négation de l'intelligence,
c) la volonté de justifier l'importance de la discipline pour des raisons externes, et donc d'ouvrir son champ d'étude aux sciences de l'Antiquité.
Nous nous retrouvons donc face à des programmes obèses, encyclopédiques, mais finalement incomplets puisque plusieurs entrées sont laissées à la discrétion de l'enseignant, ce qui fait que certains points jugés importants du programme peuvent ne pas être traités.
Cependant, les programmes de 2009 recèlent aussi quelques précieux avantages et enseignements: marge de liberté laissée à l'enseignant, accompagnements de programme très bien faits proposant une liste relativement étendue de textes variés, insistance sur l'acquisition du vocabulaire.

Pour ce qui est du latin, je propose donc, au collège, de se concentrer sur l'acquisition de la morphologie, du vocabulaire, et quelques faits de syntaxe parmi les plus fréquents (construction des subordonnées avec cum et ut, infinitives, ablatif absolu), afin de permettre aux élèves de traduire seul un texte simple ou une inscription un peu longue en fin de troisième. J'insiste particulièrement sur cette question de l'apprentissage du vocabulaire, qui doit permettre à l'élève d'acquérir peu à peu une autonomie dans la lecture des textes propice à maintenir son intérêt pour ceux-ci. En clair, une progression raisonnée de l'apprentissage du vocabulaire doit permettre la progression dans la lecture des textes ainsi qu'un travail sur les étymologies jugées les plus signifiantes par l'enseignant.

Je propose de revenir à l'utilisation de textes adaptés d'auteurs ou écrits par le professeur pour les premiers apprentissages. Une attention particulière devra être portée par le professeur à la progressivité de l'enseignement de la langue, à sa rapidité, notamment dans les premiers temps du cours, pour que les élèves arrivent rapidement à lire de petits textes simples seuls, sans trop d'apparat de notes, de vocabulaire ou de béquilles professorales, et au réinvestissement des connaissances antérieures (vocabulaire et flexions) pour faciliter la mémorisation.

Je propose de choisir les textes d'auteurs dans l'ensemble de la latinité, et pas seulement dans le canon du premier siècle avant premier siècle après J.-C. Cette dernière évolution est franchement amorcée dans les accompagnements de programme de 2009, peut-être moins dans les manuels proposés aux enseignants. Elle sera difficile car elle réclamera de la part des enseignants en place et des services du ministère un gros travail de préparation et de recherche de ces textes, de ces trésors méconnus de la latinité. Cette idée entend répondre à deux objectifs: travailler sur des textes plus faciles pour les élèves, et répondre à un travail sur des textes plus locaux. Je reviendrai sur ce point ultérieurement.

Les thèmes abordés ne devraient pas seulement être liés à l'histoire de l'Empire romain, sa constitution et sa chute, comme le font les programmes actuels, mais plutôt une mise en perspective du rôle de cet Empire dans notre vision du monde et dans la construction de notre culture. Cela implique aussi de constituer un réseau de connaissances préalables solide en histoire (périodes, dates) et géographie (l'espace méditerranéen antique)
Peut-être faudrait-il moins insister sur des points purement civilisationnels (plan de la maison, loisirs...) pour partir à chaque fois du présent et voir comment, sous le présent, se trouve, par ressemblance ou différence, l'Antiquité, et comment elle a été réutilisée et réinterprétée à diverses époques historiques. Il s'agirait donc, pour l'enseignant, d'expliciter clairement le réseau de lectures et relectures qui amène un concept antique à sa prise en compte par les modernes.
Prudemment, je propose l'exemple du concept de guerre, de guerre juste, de guerre sainte, défini d'abord par les Romains pour justifier leur entrée dans les conflits, interrogé ensuite par Cicéron, puis par les auteurs chrétiens, de Saint-Augustin à Ignace de Loyola, et que l'on voit poindre encore dans le discours politique et médiatique sur les conflits actuels. La notion de citoyen, de citoyenneté peut aussi être travaillée dans cette optique, en différenciant la Grèce, Rome et vocation universelle (enfin, cette idée est à nuancer) de la citoyenneté de 1789, tout en la distinguant de la notion de "sujet".
De même, le travail sur les grands hommes de l'Antiquité (César, Hannibal, Auguste...) devrait se faire à partir de comment ils sont vus aujourd'hui et de comment leur figure a été utilisée au fil des temps pour justifier une politique, pour aboutir à des textes anciens dits patrimoniaux, permettant de comprendre des références fréquentes dans la littérature ou la presse.
A chaque fois, ce travail, long et patient, requiert de mettre en place les connaissances préalables qui permettront aux élèves de comprendre au mieux le contenu du travail et la démarche.

Un autre point important serait, il me semble, de travailler le latin en lien avec l'environnement immédiat des élèves. Travailler l'inscription dans l'église voisine, la chronique médiévale parlant du village ou de la ville, du grand homme local, pour montrer que le latin a été une langue de communication présente partout. Ce travail peut se faire en collaboration avec les services d'archives municipaux ou départementaux, ainsi qu'avec les musées ou les antennes de l'INRAP, selon les ressources archéologiques présentes alentour.

En conséquence, je propose les thèmes suivants:


Thème 1
Thème 2
Cinquième
Repères historiques et géographiques
Mythes et mythologie
Quatrième
Citoyen et citoyenneté
La Religion
Troisième
La Guerre
Le Pouvoir

On remarque que, par rapport aux programmes de 2009, les notions relatives à la vie privée n'apparaissent pas dans ces propositions de thème (sauf peut-être pour les deux thèmes de 4è). Elles n'en sont pas pourtant rejetées, et pourront être travaillées avec profit, en contexte, lors d'une visite au musée, sur un site archéologique, lors d'un travail avec des services d'archives...
Si la situation reste la même pour la répartition des options, le grec - je préviens de suite le lecteur que, n'enseignant plus le grec depuis sept ans maintenant, mon propos sera plus général et détaché – le grec, donc, ne serait à nouveau commencé par les élèves qu'en classe de troisième, ce qui limite les possibilités de construction d'une progression linguistique. Il faudra donc se concentrer sur l'acquisition d'un lexique de base, de la morphologie dite régulière et de la maîtrise d'une chronologie et d'une géographie permettant de lire les textes plus facilement.

Rappelons enfin, mais je ne l'ai jamais pratiquée, la possibilité de travailler en ECLA (Enseignement Conjoint des Langues Anciennes).

Propositions pour le lycée

Si tout a été fait comme attendu au collège (cela inclut la question du respect des horaires, la présence continue d'un enseignant de langues anciennes....), un élève qui poursuit les langues anciennes au lycée aura une base linguisitique plus assurée, car travaillée sur des textes adaptés et variés, et une bonne connaissance du vocabulaire et des structures syntaxiques de base, ainsi qu'une connaissance géographique et historique simple mais assurée de l'Antiquité.
Il s'agira alors non de procéder à une redite à peine retouchée des programmes du collège, mais à un approfondissement, en s'appuyant plus spécifiquement encore sur les textes d'auteurs dits classiques. Si l'on préfère, il s'agira de réserver au lycée l'étude du "canon", dans ce qu'il a de plus classique.
Naturellement, les auteurs du "canon" (Cicéron, César, Tite-Live, Virgile, Horace...) auront été lus, pour certains, en extraits, au collège. Mais, au lycée, il s'agira de proposer une étude systématique et ordonnée de ces auteurs, notamment dans la filière littéraire, où on gagnerait, pour tous les bénéfices linguistiques et culturels mentionnés en introduction et établis par les récents rapports de l'IG ou du commissariat au plan, à rendre l'étude d'une langue ancienne obligatoire. Ici, les langues anciennes, au côté de la littérature, des langues vivantes, de l'histoire-géographie, de l'histoire des arts et des sciences, peuvent permettre de reconstituer une filière littéraire dont tous les chiffres actuels montrent la déshérence.
Doit-on envisager des programmes différents selon les filières? Je le pense.
Autour d'un tronc commun constitué d'oeuvres complètes (deux par an), le lycéen pourrait suivre des modules d'étude plus particulièrement dédiés à sa filière. On pourrait imaginer un travail sur l'histoire des sciences en filière scientifique, naturellement un module d'histoire littéraire (histoire des genres littéraires et oeuvre supplémentaire) en filière littéraire, des textes techniques et rhétoriques en filière commerciale (générale ou professionnelle). Là encore, les accompagnements de programme et les travaux mis en ligne sur Eduscol suite aux rencontres Langues Anciennes, Mondes modernes seront d'une aide précieuse. Ce travail peut aussi se faire en collaboration avec le Supérieur, pour créer une filière permettant de redynamiser les effectifs.
Ce choix de l’œuvre complète peut paraître surprenant, mais il peut être riche car il permet un travail approfondi sur la langue, sur le contexte de l'écriture, sur la réception à différentes époques, sur la question de la traduction. Il peut aussi permettre un travail de production: édition numérique avec traduction personnelle, édition annotée, édition enrichie, rédaction de notices numériques, performances (organisation de lectures publiques...) qui peuvent être organisées facilement en lycée. 

Conclusion
Les langues anciennes sont un domaine de connaissances riche et fertile, propre à susciter l'intérêt des élèves, permettant à ceux-ci, dès le tronc commun, de développer un regard distancié sur le monde, à percevoir l'épaisseur du temps du fait de la constante réécriture par les modernes, chacun à leur époque, de l'Antiquité. Elles doivent permettre le développement d'une culture commune, d'une culture européenne et, notons-le, offrent des débouchés professionnels multiples. Leur exclusion du tronc commun ne peut donc reposer donc sur des arguments pédagogiques ou didactiques, à partir du moment où les programmes s'inscrivent dans la démarche imposée par le socle commun, au vu de tout ce qu'elles peuvent apporter aux élèves. Elle tient davantage, me semble-t-il, à des réflexes passéistes,

(1) Baillargeon, Normand, L'Education, GF Corpus, 2011, p. 259 à 261
Rey, Olivier, Compétences: chercheurs et praticiens parlent-ils de la même chose? Article du carnet de recherche Eduveilles, 2 mars 2015.

(2) Les Thèses de Besançon sont l'acte de naissance de la CNARELA. Il s'agit d'un document qui prend acte des transformations de l'enseignement secondaire et qui vise, par la définition de nouveaux objectifs et de nouvelles dynamiques d'apprentissage, à amener l'enseignement des langues anciennes à prendre sa place dans ce nouveau secondaire. Ce texte, très moderne, date de 1979. Voir l'article du carnet de recherche de Philippe Cibois: "La réforme Fouché (1963) et les Thèses de Besançon (1979)".

[Archive 2013] D'un article qui a failli être publié...

Cet article avait été proposé, avec un peu de retard, pour le numéro hors-série numérique n° 32 des Cahiers Pédagogiques. Il avait intéressé, et je les en remercie, les coordonnateurs de ce numéro à une première lecture, avant d'être refusé pour des raisons tout à fait compréhensibles, puisqu'il ne présente pas directement de pratique de classe. Plutôt que de le laisser dormir dans un dossier de fichiers, j'ai choisi de le mettre ici. 

Bonne lecture.
 
De la difficulté d'être professeur de latin aujourd'hui...
... et quelques pistes de réflexion pour avancer.

Le propos de cet article sera d'informer les collègues des autres disciplines sur certaines particularités de l'exercice du métier de professeur de langues anciennes, d'explorer quelques tensions actuelles que semble rencontrer tout enseignant de ces disciplines et d’ouvrir des pistes de réflexion pour faire évoluer la formation des enseignants de langues anciennes. N’enseignant plus, depuis quelques temps maintenant, le grec ancien, discipline plus encore en souffrance aujourd’hui, l’auteur s’intéressera surtout au cas du latin. Cependant, la plupart des remarques que le lecteur trouvera peuvent s’appliquer au grec ancien, parfois avec davantage d’acuité.
Remarquons en premier lieu que le professeur de latin est souvent savant dans sa discipline, mais ne connaît rien de l'histoire de son enseignement. Dans un monde universitaire où le latin ne tient plus qu'une place marginale et n'est plus la langue de transmission de la science, la discipline s'est centrée sur la littérature et plus largement les textes. A son entrée dans le métier, le professeur s'oriente donc spontanément vers les textes qu'il connaît, les personnages qu'il admire, sans avoir aucune idée de la manière dont sa discipline a été enseignée auparavant, sans aucune idée sur les débats qui ont traversé son corps de métier. Il est frappant de lire aujourd'hui le n° 353 des Cahiers Pédagogiques, consacré aux langues anciennes1, et de constater que nombre de questions qui y sont abordées, souvent avec passion, sont d'une brûlante actualité : le débat autour du texte authentique se pose toujours, et plus généralement la question des objectifs et du sens que l’on doit donner à l’enseignement aujourd’hui.
Davantage que pour l'approche de la civilisation et de la littérature, cette méconnaissance de l'histoire de l'enseignement du latin, cette absence de regard sur l'évolution des méthodes d'enseignement posent un vrai problème quant à l'apprentissage purement linguistique. Cet apprentissage paraît souvent être malmené et mal mené. Le récent rapport de l’Inspection Générale sur les Langues et Cultures de l’Antiquité2 en fait l’amer constat : « Cependant, un élève de fin de troisième est incapable, sauf exception, de traduire de façon cursive un petit texte littéraire » (op. cit. p. 31).
Or, les méthodes employées sont soit la reproduction de ce que le professeur lui-même a connu à un âge plus avancé que celui de ses élèves, âge au cours duquel l’ingestion rapide et massive de tableaux grammaticaux est plus aisée, soit un calque de ce qui est proposé dans les manuels, et qui est parfois problématique : apprentissage décontextualisé de vocabulaire, ordre des apprentissages immuable… On peut penser que beaucoup de questions que se posent encore, isolés dans leur coin et leur établissement, nombre de professeurs de langues anciennes ont en fait déjà été explorées et traitées par la didactique de la discipline. Ce point apparaît de manière évidente lorsqu'on lit le numéro des Cahiers Pédagogiques cité plus haut ou lorsqu'on a pour loisir de collectionner les méthodes de latin du siècle dernier. La question de l’apprentissage du vocabulaire est par exemple étudiée dans un article de Christian Battaglia3. La vitalité didactique de la discipline lorsque cette dernière était dominante dans l’enseignement secondaire français, par exemple sur les questions de l'apprentissage de la langue, de l'utilisation du thème, de la production de textes latins par les élèves, sur la meilleure manière d'apprendre le système casuel, est manifeste. Ces trésors d’inventivité didactique sont actuellement peu connus, leur pertinence et leur efficacité pas évaluées et la question de leur adaptation possible aux conditions actuelles de l'enseignement des langues anciennes reste absente des débats internes à la discipline. Or, chercher dans ces trésors pourrait permettre de renouveler l’apprentissage de la langue, de varier les approches.
Cette absence quasi générale de connaissances sur la didactique de sa discipline montre aussi que le professeur de latin n’est peut-être pas aussi savant qu’il le croit. La formation universitaire est axée sur la littérature, et, pour être plus précis sur une période déterminée de la littérature, à savoir la période classique, au sens étendu du terme (du Ier siècle avant au premier siècle après JC). Cette base est complétée par des ouvertures vers l'histoire, l'histoire des idées, parfois l'archéologie et l'anthropologie. Par conséquent, des pans entiers de la latinité sont complètement inconnus d'un professeur frais émoulu des concours. Comme l'ont très bien décrit Wilfried Stroh4 et Jürgen Leonhardt5 dans leurs ouvrages aux thèses pourtant opposées, le latin ne commence et surtout ne s'arrête pas à la période classique. Le latin médiéval (dont l’exemple le plus connu sont les Carmina Burana), le latin des humanistes (la prose d’Erasme, de Comenius, la poésie lyrique), le latin macaronique (telles que les variations et inventions de Molière) qui pourraient proposer des textes intéressants à travailler avec les élèves, tant d’un point de vue linguistique que culturel, sont totalement inconnus d’un professeur tout frais sorti des concours. D’un point de vue didactique, il en va de même pour les perspectives ouvertes par les méthodes de latin parlé, telles que le Lingua latina per se illustrata du professeur danois Hans Orberg, méthode vulgarisée en France par Olivier Rimbault6, ou celle de Claude Fiévet, la méthode audio-orale. Ces méthodes commencent à se faire une place dans l’enseignement secondaire, mais peu de professeurs osent se lancer, faute de formation.
Qui plus est, les langues anciennes étaient les grandes oubliées de la formation initiale de l’IUFM ces dernières années. Les journées spécifiquement dédiées aux langues anciennes, qui se devaient de pousser les nouveaux professeurs à amorcer leur réflexion didactique, étaient peu nombreuses voire inexistantes selon les académies. Alors que le professeur de lettres classiques doit assurer une part importante de son service en langue ancienne, l’absence d’heures de formation spécifiquement dédiée est un signal éloquent envoyé par l’institution.
Enfin, l’état d’esprit parfois particulier du professeur de langues anciennes tient au statut d’option et aux débats, parfois très durs, sur la légitimité de la présence de sa discipline dans l’enseignement secondaire. Traditionnellement, deux procès sont instruits contre les langues anciennes. Le premier, le procès en élitisme, est souvent mal vécu, car l'ambition de la plupart des professeurs de langues anciennes est de partager avec le plus grand nombre d'élèves possible, et notamment avec les élèves issus de milieux défavorisés, une de leurs passions. Le second, le procès en inutilité, est évacué plus rapidement, soit en argumentant sur l’utilité sociale, culturelle et linguistique de l’enseignement des langues anciennes, soit en assumant pleinement l’apparente inutilité de la discipline7. Mais tous ne perçoivent peut-être pas que, d'un certain côté, ces deux procès sont liés. Aux yeux de beaucoup, parfois parmi les collègues ou au sein de l'institution8, le latin reste une matière pour happy few, déconnectée des enjeux du monde d'aujourd'hui. La tendance commence à s'inverser, au plus haut niveau, comme le montrent le document du Centre d'Analyse Stratégique (il s'agit de l'ancien commissariat au Plan) intitulé "Les humanités au cœur de l'excellence scolaire et professionnelle"9 ou les résultats de la récente enquête longitudinale menée en Grande-Bretagne10, la discipline se fondant dans l’ensemble nommé « Humanités ».

Face à ces difficultés de tous ordres, il existe cependant des pistes pour améliorer la situation.
Il faudrait que la formation initiale des enseignants de latin, outre la maîtrise linguistique, indispensable à l'exercice du métier, intègre toutes les dimensions de la latinité (latin médiéval, de la Renaissance, Archéologie) et l'histoire de son enseignement. Trop souvent, les modules de didactique, lorsqu'ils existent, se limitent à une seule journée noyée dans l'année de stage. De même, la formation continue, actuellement exsangue, pourrait être un moyen pour les collègues de se rencontrer et de réfléchir aux problèmes propres à leur discipline. Paradoxalement, la réforme qui a touché le CAPES de Lettres permet de poser ces questions de fond, ainsi que celle de la formation en latin que devrait avoir tout professeur de français dans le secondaire et pourquoi pas tout professeur des écoles.
Il faudrait que les professeurs de langues anciennes s’emparent plus encore du numérique, en ce qu’il permet de faciliter grandement les échanges entre collègues Il n'est peut être pas si innocent de constater que ce sont les professeurs de langues anciennes, souvent seuls enseignants de leur discipline dans leurs établissements, souvent sur la sellette, à devoir justifier leur existence aux yeux des autres (collègues, parents, administration) qui ont investi cet outil parmi les premiers. Outre le site d’Olivier Rimbault, citons celui de Robert Delord11 ou celui de Nathalie Blanc12.
Il faudrait que le professeur de langues anciennes ait un contact privilégié avec les institutions culturelles locales, notamment les musées, les théâtres ou les antennes de l'INRAP. Travailler avec ces institutions permet de rendre davantage concret l'enseignement de la langue. Voir que la connaissance du latin permet à l'archéologue de traduire la plaque dédicatoire trouvée et de comprendre le rôle du bâtiment qui commence à être dégagé crée souvent ce fameux "déclic", l'apparition à l'élève du sens de ses apprentissages (expérience vécue avec ses élèves par l'auteur de cet article). Ce travail en lien avec les institutions culturelles locales (ou plus éloignées, si les finances le permettent) est aussi indispensable pour asseoir la légitimité de l'enseignant de latin aux yeux de l'administration et de ses collègues.
Il faudrait enfin clarifier véritablement les objectifs que l’on assigne à l’apprentissage des langues anciennes dans le secondaire. Du fait de la méconnaissance de la didactique de la discipline, du manque de formation spécifique, et, il faut le dire, du gigantisme des programmes, l’apprentissage de la langue est souvent raté. Or, accède-t-on sans la langue à une connaissance intime de la civilisation, à l’intuition réelle de ses permanences dans le monde d’aujourd’hui, au ressenti du décalage des modes de vie et de pensée de ces hommes d’hier ? L’enseignement des langues anciennes ne court il pas trop de lièvres à la fois ?

1Cahiers Pédagogiques n° 353, avril 1997 : Les langues anciennes.
2L’enseignement des langues et cultures de l’antiquité dans le second degré, rapport n° 2011 – 098. Rapporteurs : Catherine Klein et Patrice Soler.
3Lire, comprendre, traduire un texte latin, in Les Cahiers Pédagogiques n° 353, p. 53 à 55
4Le latin est mort, vive le latin ! Petite histoire d’une grande langue (Les Belles Lettres, 2008 pour la traduction française).
5La grande histoire du latin (CNRS éditions, 2010).
7Lire par exemple le bel article de Catherine Bué-Georges, Pour rien, pour le plaisir… dans le n°353 des Cahiers Pédagogiques.
8Voir par exemple l’article de Véronique Soulé, dans son blog « C’est classe », Est-ce bien la peine de faire du latin en Seine Saint Denis ?, http://classes.blogs.liberation.fr/soule/2013/06/est-ce-bien-la-peine-de-faire-du-latin-en-seine-saint-denis.html.
11Latine Loquere (http://www.ac-grenoble.fr/lycee/diois/Latin/) actuellement en refonte.

mardi 10 mars 2015

[Archive 2013] Réforme du CAPES de Lettres: évolution, sujétion ou disparition?

L'arrêté du 19 avril 2013 fixant les modalités d'organisation des concours du certificat d'aptitude professionnelle du second degré acte la fusion du CAPES de Lettres Modernes et du CAPES de Lettres Classiques. Dans le cadre de l'alignement du nombre d'épreuves de tous les concours de recrutement des professeurs du second degré, les écrits et les oraux sont réduits en nombre, afin de parvenir à l'organisation de deux épreuves écrites et deux oraux, contre trois lorsque j'ai passé ces épreuves. Lors de son inscription à la préparation du concours, le futur candidat aura le choix entre une option classique ou une option moderne, qui détermineront le contenu des épreuves qu'il préparera et auxquelles il se soumettra. 
A mon sens, le premier problème se pose dès cet instant: si l'épreuve de dissertation semble ne pas trop changer, mais simplement fusionnée, l'obligation de ne proposer qu'une seule autre épreuve écrite a conduit à créer une épreuve hybride comme second écrit. L'impératif étant de vérifier les connaissances en langue, en histoire littéraire et en histoire antique des candidats dans DEUX langues anciennes, l'étudiant qui compose se retrouvera face à une hydre cognitive: une double version commentée. A l'heure où le concept (tout à fait vérifiable scientifiquement) de surcharge cognitive est mis en avant dans l'enseignement, voir apparaître une telle épreuve, même si elle concerne de jeunes adultes et non des enfants, et même s'il est important de vérifier les connaissances dans les deux langues anciennes susceptibles d'être enseignées dans le secondaire, voir apparaître une telle épreuve, qui demande aussi une mise en jeu professionnelle des textes à traduire, est assez savoureux, ou ironique c'est selon. A côté de cela, le candidat d'option moderne aura une épreuve de grammaire comparée, qui, si elle ne se fera pas les doigts dans le nez, reste cognitivement plus reposante que l'épreuve des classiques.
Ensuite, pour ce qui est de l'oral, on peut déceler là encore une dissymétrie en faveur des modernes. Chacun aura, cela s'entend, une épreuve d'explication de texte de langue française assortie d'une question de grammaire. Mais lorsque le classique ne composera que pour une épreuve d'analyse de situation professionnelle en latin et grec, avec, n'en doutons pas, un bout de traduction dans chaque langue, le candidat moderne aura un éventail de choix bien plus varié et attractif pour un étudiant: théâtre, cinéma ou latin pour le collège... 

Le risque de cette dissymétrie, c'est de voir les étudiants bouder le parcours "Classique" et, à terme, le voir disparaître.

Certaines propositions de cet arrêté vont dans le bon sens, telles que l'officialisation de la question de grammaire française à l'oral, et la volonté de mettre en avant d'autres dimensions de l'enseignement des lettres (cinéma, théâtre...). Mais, si les protocoles de la seconde épreuve orale ne sont pas alignés, le choix des candidats se portera plus volontiers sur l'option moderne, parce que l'éventail d'options y est plus vaste. Pourquoi s'engager dans des études longues, difficiles, qui aboutissent à un concours corseté, alors que les études en lettres Modernes offrent davantage de diversité et un concours laissant un certain choix dans les épreuves (que les choses soient bien claires, il n'est pas du tout de mon propos de prétendre que des études de lettres modernes seraient plus faciles)?
Au passage, notons que l'institution fait en sorte de préserver le latin, qui est aussi proposé aux modernes, mais que le grec reste aux oubliettes.
Si on peut voir derrière cette modification des épreuves le vieux topos anticlassique, elle répond surtout à un impératif au vu de la situation des LC dans le supérieur. Les effectifs s'effondrent, les filières, du fait de la loi LRU sur laquelle le gouvernement actuel ne revient pas, se ferment, et, par conséquent, les postes au CAPES ne sont pas pourvus depuis deux ans maintenant (Le CAPES LC 2011 a vu 77 candidats admis pour 185 postes offerts, celui de 2012 75 admis pour 170 postes).
Il n'empêche que la lecture des réactions à cette nouvelle sur les réseaux sociaux laisse un drôle de goût. On y lit surtout les vieilles rengaines, le plus souvent défendues par ceux qui disent vouloir démocratiser l'enseignement. On reste sur l'analyse que les langues anciennes sont par essence élitistes, et on propose de les démocratiser ... en les supprimant. Or, le paradoxe étant que la demande sociale de cet enseignement n'a jamais été aussi forte, puisque 21,9% des élèves choisissent de suivre un enseignement optionnel de langues anciennes au collège. Certains avancent que le problème vient des méthodes d'enseignement du secondaire, qui seraient restées archaïques et monolithiques (tiens, deux mots grecs...). C'est faire peu de cas du volontarisme de nombreux enseignants, de l'action de la CNARELA et des modifications des pratiques d'enseignement (dont il faudrait, je pense, tirer un bilan clair et objectif). Bref, c'est faire preuve d'une certaine méconnaissance du dossier que d'avancer cela. De plus, le reproche d'élitisme se fonde aussi sur la manière de recruter les élèves. Les enseignants de LC maintiendraient eux-mêmes une certaine sélection dans leurs sections en choisissant les élèves au bulletin. A ma connaissance, c'est dans d'autres options dérivatives (bilangue et classes euro pour ne pas les nommer) que l'étude du dossier scolaire est monnaie courante... Et lorsque ces admonestations s'accompagnent de félicitations bruyantes, basées sur une vision passéiste qui se présente comme progressiste, le découragement peut parfois poindre. 
Pour finir, lorsqu'on cherche les causes de la désaffection de la filière dans le supérieur, on ne peut laisser de côté l'explication de la pédagogie appliquée dans le secondaire. Si l'on regarde les chiffres, on peut voir que, sur le temps long, de l'optionnalisation à nos jours, c'est lorsque la volonté d'enseigner la langue par le texte authentique, ainsi que le renoncement à la grammaire de phrase dans l'enseignement du français, se sont imposés que les effectifs ont commencé à baisser (voir data.gouv et cette explication de M. Philippe Cibois). La seconde référence que je vous propose établit que, toujours sur le temps long, on assiste à une grande augmentation du nombre d'élèves qui suivent l'option par rapport à l'époque à laquelle font constamment référence les détracteurs de cet enseignement. C'est à partir du moment où l'enseignement du latin n'a plus proposé de progression raisonnée et facile de l'enseignement de langue, qui devrait avoir pour but de faciliter la compréhension des textes, textes que nous devons toujours étudier (la réunion récente de l'IG des lettres rappelle que l'enseignement des langues anciennes se structure autour de la lecture de textes) et qui visent à donner confiance à l'élève dans sa capacité à comprendre la langue latine et la pratiquer, c'est à partir du moment où les profs (et moi aussi) se sont mis à construire des séquences en mettant à la traîne la progression linguistique, ou en utilisant le texte comme "support", que les effectifs ont baissé. En effet, le but de l'apprentissage progressif et raisonné de la langue n'est pas de répéter des déclinaisons, mais de faire que l'élève puisse accéder seul au texte, de faire qu'il découvre ces liens entre passé et présent, entre mondes antiques et monde moderne, par lui-même, et non pas plongé dans une fausse liberté, dans un bac à sable qui serait la grille de lecture de l'enseignant. Le pari de ne travailler que le texte authentique (de quel texte authentique parle-t'on?) s'est retourné contre les langues anciennes,  il faut avoir la lucidité de constater cet échec et d'en tirer des enseignements pour avancer.

Ce changement doit être aussi l'occasion de revoir la formation initiale des professeurs de lettres. L'ancienne, stérile et si dommageable partition entre classiques et modernes n'ayant plus cours, c'est le moment de redonner à tous les professeurs de lettres une solide formation en latin, afin de permettre à n'importe quel futur enseignant de lettres de pouvoir proposer, au moins au collège (mais aussi au lycée) des cours de qualité à ses élèves en langues anciennes.